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Réhabilitation des militaires « fusillés pour l’exemple »

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous étudions aujourd’hui une loi de justice.

Une loi qui permet de revenir sur le déni d’une justice militaire arbitraire ayant bafoué le droit de la défense. Une loi qui permet de rendre leur honneur à des combattants tombés sous les balles d’un tribunal militaire, exécutés pour certains après avoir été tirés au sort. Une loi qui, plus que d’autres, dépasse tout clivage partisan.

De nombreuses associations ont fait du devoir de réhabilitation un juste combat. Lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale, M. Gosselin, député Les Républicains de la Manche, a évoqué le cas de l’instituteur Théophile Maupas, l’un des caporaux de Souain, défendu avec acharnement par sa veuve, Blanche Maupas, en lien étroit avec la Ligue des droits de l’homme, jusqu’à ce qu’une cour spéciale le réhabilite en 1932.

Pour sa part, le président Sarkozy a reconnu que ces soldats « ne s’étaient pas déshonorés », car « ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces ». N’oublions pas que la Grande Guerre a décimé nos villages. Les monuments aux morts nous rappellent, dans tous nos territoires, le coût humain de la guerre et la souffrance des familles.

De nombreux conseils municipaux, départementaux ou régionaux, conscients de cette blessure, ont eux aussi demandé justice pour ces soldats fusillés pour l’exemple, parfois pour n’avoir pas entendu ou compris un ordre, car ils ne parlaient pas le français, ou pour avoir déserté, alors qu’ils étaient en fait blessés.

Une reconnaissance tardive, mais nécessaire, voilà l’objet de ce texte – une réparation qui leur est due. Aussi, je remercie le rapporteur de la qualité de ses travaux, qui mettent au jour la nécessité de cette réhabilitation.

L’examen au cas par cas, alors que près de 20 % des archives ont désormais disparu, ajouterait de l’injustice à l’injustice. Comment instruire de tels dossiers sans témoignage ?

La liste des « fusillés pour l’exemple » n’ayant commis aucun crime, ni de droit commun ni d’espionnage, fait consensus, chez les historiens comme au sein de l’administration du ministère des armées.

Le plus souvent, ces soldats ont été accusés, au début d’un conflit si terrible et meurtrier, de mutilations volontaires, d’abandon de poste ou de refus d’obéissance en présence de l’ennemi. L’auteur de la proposition de loi, que je salue, a rappelé que, dès 1925, un médecin légiste a démontré qu’il n’était pas possible de déterminer si une blessure était ou non le résultat d’une mutilation volontaire, ce qui aurait dû entraîner la réhabilitation de tous les condamnés pour ce motif. Pourtant, tel ne fut pas le cas.

J’entends les réticences de certains, qui voient dans cette loi une réécriture de l’histoire. Il n’en est rien ! Il s’agit de réhabiliter et non pas de regarder le passé avec les yeux du présent.

Dès 1916, à la suite de l’intervention de plusieurs députés, l’armée s’est interrogée sur ce simulacre de justice militaire et a supprimé ces conseils de guerre spéciaux. Ce faisant, les circonstances atténuantes et les recours en révision ont été rétablis.

Cette réhabilitation implique une juste reconnaissance de ces 639 martyrs de l’armée. Il est de notre devoir de reconnaître et de réparer les injustices autant que faire se peut. Nous parlons de jeunes hommes de 18 ans ou 20 ans, ayant payé de leur vie la dérive de ces conseils de guerre spéciaux dont les règles étaient déjà dépassées. Inscrire les noms de ces soldats et officiers sur les monuments aux morts va dans le sens de la justice.

Comme l’a déclaré M. le rapporteur, après les historiens, après les juges, c’est à la représentation nationale qu’il revient de se prononcer, non pas sur l’histoire, mais sur la mémoire de la Nation.

Mes chers collègues, rares sont les textes qui peuvent et doivent nous unir tant ils sont justes et essentiels à notre pays. Celui que nous vous proposons d’adopter aujourd’hui est de ceux-là, car il vise à enfin rendre justice à ces soldats, en nous permettant d’accomplir notre devoir de mémoire envers le sacrifice inutile de leurs vies.

Dans la presse :

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