Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fin du pantouflage et des allers-retours trop opaques entre les hautes sphères de l’État et les cabinets privés avait clairement été érigée en objectif par Emmanuel Macron. Comme nous en avons l’habitude, nous avons été quelque peu déçus de ce point de vue. Nos concitoyens espéraient pourtant que le devoir d’exemplarité serait réellement pris en compte.

Mais, à l’instar d’autres décisions, « ce n’est pas un échec, ça n’a pas marché », pour reprendre une expression souvent employée par le Président de la République, notamment à propos du sujet qui nous occupe.

Cette proposition de loi nous est soumise après les récentes révélations journalistiques sur l’augmentation notable des dépenses liées aux cabinets de conseil depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron.

Le groupe CRCE avait alors demandé l’ouverture d’une enquête sur l’influence de ces cabinets. Ce texte s’appuie, monsieur le ministre, sur les conclusions de la commission d’enquête transpartisane du Sénat, rendues au printemps dernier.

Pourquoi le recours à des cabinets de conseil privés suscite-t-il des reproches ? Surtout, que prévoit la présente proposition de loi pour faire face à l’explosion de l’intervention de ces cabinets ?

Tout d’abord, c’est non pas le recours même à une expertise extérieure qui est mis en cause, mais bien l’absence de transparence – or la transparence est nécessaire – sur les contrats et les montants qu’ils représentent, pour des résultats parfois plus que discutables.

Le désinvestissement dans la fonction publique, qui – il faut le reconnaître – résulte non seulement de l’action de ce président, mais aussi de celle de ses prédécesseurs, explique le recours massif à ces cabinets.

Les sociétés de conseil sont souvent perçues comme un moyen simple et agile, dans les moments de surcharge ponctuelle, de pallier le problème que posent les plafonds d’emploi. Cela entraîne des pertes de compétences au sein de l’administration ou des limitations de la montée en compétences – comme on le voit, par exemple, dans le domaine informatique.

Certains y voient l’action de pompiers pyromanes qui ne donnent pas les moyens à l’administration de rester compétente dans ses prérogatives afin de justifier les recours coûteux à une poignée de grosses entreprises de conseil. Pourtant, une large majorité des entreprises de conseil de moindre importance restent loin du pouvoir et des pratiques de ces grands groupes.

Le recours décuplé aux cabinets de conseil est aussi critiqué en raison du manque de transparence sur les résultats d’études coûteuses – Mme Éliane Assassi les a évoquées –, non publiées, notamment dans l’éducation nationale, mais aussi du doublon des missions entre privé et public – elle en a également parlé –, par exemple dans le secteur de la petite enfance.

L’opacité qui règne sur le recours aux cabinets de conseil, sur la définition du besoin réel ou sur l’effectivité des rendus, est source de défiance de nos concitoyens à l’égard de notre système démocratique.

Au terme des travaux de la commission d’enquête sénatoriale, qui a soulevé de nombreuses problématiques, relevé des dérives, mais aussi formulé 19 recommandations, notre collègue Éliane Assassi a souhaité déposer la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise.

Si nous apprécions ce texte, nous pensons que certains points méritent si ce n’est une amélioration, au moins une discussion.

Nous regrettons ainsi que certains de nos amendements aient été déclarés irrecevables alors qu’ils portaient explicitement sur les « pouvoirs de contrôle et de sanction conférés à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en vue de faire respecter ces obligations par les prestataires de conseil et les consultants ». En cela, ils étaient conformes aux règles relatives à l’application de l’article 45 de la Constitution indiquées dans le document de la commission des lois.

L’un de ces amendements ayant été déclaré irrecevable – nous le regrettons vivement – s’inscrivait dans la lignée de la proposition n° 42 de la mission d’évaluation de la loi Sapin II, menée en 2021 par les députés Olivier Marleix, du groupe Les Républicains, et Raphaël Gauvain, de La République En Marche.

Cet amendement visait en outre à répondre à une demande explicite de la HATVP elle-même, qui, dans son rapport d’octobre 2021, proposait – c’était sa proposition n° 10 – de « doter la Haute Autorité d’un pouvoir propre de sanction administrative en cas de manquement à l’obligation de dépôt […] d’une déclaration d’activités […], la sanction étant proportionnée à la gravité du manquement et à la situation de la personne poursuivie ».

Ce périmètre nous apparaissait déjà particulièrement restreint, car il ne permettait pas une discussion globale sur les lobbies et les liens d’intérêts entre secteur public et secteur privé. Notre groupe est certes minoritaire, et nos positions, hélas ! parfois aussi. Mais le refus de discussion dont témoignent des décisions irrévocables d’irrecevabilité pénalise l’exercice démocratique qui est le nôtre.

Cela étant, nous sommes globalement favorables au texte et à ses mesures novatrices. La plupart des dispositions de cette proposition de loi sont d’ordre normatif, mais certaines d’entre elles revêtent un caractère réglementaire : elles ont donc pour objectif d’inciter le Gouvernement à modifier les règles déontologiques. C’est bien là que le bât blesse. Car, comme lors de la création de la HATVP, ce sont parfois les décrets qui ne suivent pas !

C’est pourquoi nous aurons à cœur de discuter du texte. Nous attendons du Gouvernement qu’il s’engage à réduire le recours excessif aux cabinets de conseil et à permettre à la HATVP de fonctionner correctement.

Notre groupe votera cette proposition de loi.

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