Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dire que la montagne a accouché d’une souris ne serait pas le plus approprié au vu de l’évolution du texte après son examen au sein de notre assemblée ; ou alors, ce serait une grosse souris ! En effet, si le texte initial était pauvre, souvent imprécis, quelquefois incohérent, nous voici à l’arrivée avec près du double d’articles, et ce malgré une grande libéralité, très souvent dénoncée dans l’hémicycle, dans l’application de l’article 40 et une temporalité très complexe pour assurer la sérénité des débats. Je n’arrive toujours pas à comprendre le choix du calendrier. Nous avons examiné ce texte dans la foulée du projet de loi Climat et résilience, alors même que les élections locales se déroulaient.
Que dire donc ?
Si les promesses de grand soir formulées lors du tour de France présidentiel après la crise des « gilets jaunes » ne sont pas au rendez-vous, après être partis d’un projet de loi n’apportant que des réponses parcellaires aux enjeux si importants de l’organisation territoriale de notre pays, nous arrivons à un texte qui ne brille pas par la cohérence des positions retenues.
Nos positions, à nous, écologistes, sont stables depuis des années : « du local au global » ! La crise des « gilets jaunes » et la crise sanitaire, dont nous ne sommes toujours pas sortis, ont rappelé l’attachement des Français et du pays à un échelon local plus souple, plus agile pour répondre à leurs attentes.
Face à de nouveaux records d’abstention électorale, nous aurions pu saisir l’occasion pour innover et faciliter l’engagement des citoyens. Encore eût-il fallu en avoir le temps !
Pourtant, le texte tel qu’il résulte de nos débats ne consacre aucune nouvelle décentralisation, pas plus qu’une mise en œuvre d’une différenciation efficace, sans parler d’une quelconque simplification ! On décentralise en reconcentrant ou on recentralise en déconcentrant. Et sans pouvoir répondre à la question des citoyens : « Comment ça marche ? »
Tout n’est que détail ! Mis côte à côte après les votes du Sénat, ces détails ne constituent en rien une œuvre pointilliste à la Seurat ; ce serait plutôt un patchwork indéchiffrable.
Aucune des propositions de notre groupe renforçant la démocratie locale ou le droit de pétition n’a été retenue, pas plus que le renforcement réel du pouvoir réglementaire du maire pour protéger la santé de ses administrés, ainsi que l’environnement. Pourquoi avoir autant peur, chers collègues, de la démocratie participative, qui ne nie pas l’élu et le pouvoir de ce dernier, mais vient le renforcer ?
Limiter le droit de pétition et rendre optionnelle son inscription à l’ordre du jour d’un conseil municipal, c’est véritablement planter un couteau dans le dos du pacte républicain. Les élus sont, certes, responsables devant leurs électeurs dans le cadre des élections, mais empêcher une expression libre, vivante et démocratique sur un sujet porté par ces derniers via une pétition, alors que notre devoir est de tout faire pour permettre à notre démocratie de sortir de la crise actuelle, est une faute !
Je répète ce que j’ai déjà indiqué concernant le pouvoir réglementaire du maire : je reste ébahi de tant d’hypocrisie du positionnement majoritaire, qui consiste à donner un pouvoir de veto au maire pour l’implantation des éoliennes, structurant la politique énergétique de toute une région, tout en lui refusant le droit de réglementer les épandages de produits phytosanitaires pour protéger les habitants et les terres de son village. Par charité, je ne reviendrai pas sur les attaques et les accusations d’agribashing que nous, écologistes, subissons ici et là, sans aucun fondement.
Que dire aussi des possibilités offertes par la nouvelle rédaction de modifier sous couvert de simplification la portée des réglementations, notamment en matière d’aide sociale ou d’urbanisme ? J’ai eu l’occasion d’argumenter sur ce point : la simplification ne doit pas être synonyme de moins-disance.
Essayons de rester positifs. Je salue le réveil de notre assemblée suite aux débats en commission sur plusieurs points : la suppression des mesures faisant du Ceser une chambre soumise à des nominations politiques, voire politiciennes locales, la possibilité d’expérimentation de la recentralisation du RSA ou une plus grande démocratie sanitaire, avec la participation accrue des citoyens, mais aussi des élus.
Le titre relatif à la transition écologique, à l’instar de la loi Climat ou de la modification de l’article 1er de la Constitution, d’ailleurs non aboutie, n’est pas à la hauteur des enjeux. Quant à la remise sous coupe préfectorale de l’Ademe, une agence qui a fait ses preuves dans le domaine de l’environnement, elle laisse encore perplexes les intéressés et tous ceux qui ont bénéficié du soutien de cette dernière.
Une fois passée la surprise de voir réapparaître un volet logement initialement prévu pour la loi dite « séparatisme », nous avons constaté que ni le Gouvernement ni cette majorité n’avaient à cœur de combattre l’assignation à résidence des populations précaires qu’ils dénoncent pourtant tant de fois. Tout comme pour les éoliennes, la théorie du « Pas chez moi » revient de plus belle. Comment justifier auprès de nos concitoyens la possibilité pour les communes de comptabiliser des casernes militaires comme logements sociaux ?
Autres exemples de cette lutte contre les précaires plus que contre la précarité : le renforcement du contrôle des allocataires du RSA ou le refus de pérenniser l’encadrement des loyers.
À la suite de mon collègue Stéphane Le Rudulier, je glisserai un mot sur les dispositions concernant la métropole Aix-Marseille-Provence. Cher Stéphane Le Rudulier, tout comme vous, je souhaiterais que nous soyons parvenus au consensus, mais ce n’est pas encore le cas.
Basé sur un constat sans appel et, pour le coup, consensuel de la situation actuelle, l’article 56, qui est consacré à cette métropole, n’y répond pour le moment que très partiellement, voire avec une ambition trop partisane. Il ne permet notamment pas à la ville de Marseille d’être maîtresse de ses politiques de proximité, comme le sont les autres communes des Bouches-du-Rhône. Cette disposition devra donc être retravaillée rapidement et sérieusement.
Chers collègues, si je regrettais la timidité du Gouvernement, qui n’aura pas saisi l’occasion et qui a tardé à faire de réelles propositions pour un nouveau pacte territorial, je déplore aussi que la majorité sénatoriale ait choisi de se contenter de reprendre la vision partielle et quelquefois partiale de ses propositions antérieures sans aucune ouverture. Ce texte très étoffé, sans vision réelle structurante, sans cohérence dans le rôle de chaque échelon, ne résoudra pas les problèmes d’organisation et de coordination des communes, des métropoles et des régions. C’est pourquoi, quoique fervent défenseur d’une décentralisation à la hauteur des spécificités locales et d’une différenciation synonyme d’efficacité et non de compétition et d’inégalités, mais également conscient des enjeux majeurs d’une Europe des régions, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte.