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Appel pour l’indépendance de la presse locale

Article de Marsactu

Pour une presse régionale indépendante 

La situation actuelle nous le rappelle tous les jours. Une démocratie pluraliste digne de ce nom se doit d’avoir des médias indépendants, source d’émancipation des citoyen·nes et contre-pouvoir démocratique essentiel, le “quatrième pouvoir”.  
    La concomitance de l’arrivée au pouvoir de certains personnages empreints d’idéologie toxique et de la pandémie a marqué une résurgence sans précédent des “fake news” (fausses informations) allant de délires paranoïaques plus ou moins fantaisistes à des techniques d’info-war (guerre de l’information) planifiées, coordonnées et potentiellement extrêmement dangereuses en matière de manipulation de masse. 
    La situation géopolitique plus récente, dramatique, nous rappelle que dans un des plus grands pays du monde, dirigé par un autocrate entouré d’oligarques, la liberté d’expression en danger depuis des années, est aujourd’hui victime d’une chape de plomb totale, suppression pure et simple de toute voix discordante, de toute voix indépendante. Être aux ordres du pouvoir, devenir l’outil d’une funeste propagande guerrière ou disparaître…  
    Novaïa Gazeta (pour lequel travaillait la journaliste assassinée Anna Politkovskaïa) une des dernières voix indépendantes de la fédération de Russie a décidé la semaine dernière, afin de protéger son existence et ses collaborateurs de suspendre ses publications sine die. Cet événement nous rappelle de  manière violente que l’expression démocratique pluraliste est terriblement fragile. 

C’est dans ce terrible et inquiétant contexte que notre presse française doit être protégée par les pouvoirs publics ; elle doit être préservée en raison de la liberté d’expression, pilier fondamental de nos démocraties. Concentration capitalistique d’une part, disparition progressive des médias indépendants ayant fait le choix de modèles économiques dits alternatifs d’autre part, tel est le constat peu engageant qui se dessine pour les médias de notre pays. 
    La situation dans notre région l’illustre parfaitement, d’un côté La Provence et Corse Matin sont l’objet d’une bataille capitalistique11, avec d’un côté la 9éme fortune de France déjà détenteur (à titre personnel) d’une bonne partie du groupe le Monde et qui par le biais de sa holding NJJ se découvre un appétit pour la presse quotidienne régionale (Nice Matin, Var Matin, France-Antilles etc). Et de l’autre un nouvel entrant dans le monde des médias, le groupe CMA-CGM, acteur majeur du fret maritime mondialisé. Cette volonté de diversification, d’un groupe industriel majeur interroge. Mais le projet de reprise en lui-même, éditorial et social, concernant les 850 salariés du groupe de presse interroge encore plus  

La bataille semble aujourd’hui se dérouler sur un plan juridique, dans une forme d’opacité qui pose question ….et l’Etat français reste bien silencieux, alors qu’il est le principal créancier du groupe, même si la Ministre Bachelot assure publiquement : ”Nous suivons cette procédure avec une grande attention” (en réponse à une question posée par le Sénateur du groupe Ecologiste GEST de haute Corse Paulu Santu Parigi). Il ne s’agit pas ici de suivre ou d’attendre, mais d’intervenir pour que la reprise du groupe se fasse dans les meilleures conditions de transparence et de garantie de l’indépendance éditoriale du plus gros organe de presse de la région. 
    Dans le même temps, dans un relatif silence ZIbeline, le mensuel culturel cher au cœur des marseillais·es vient de disparaître après 15 ans d’existence2. Une double peine pour un secteur culturel qui peine à sortir des effets de la pandémie. Une des principales voix, dont la qualité était unanimement saluée, de la scène artistique locale s’est tue, faute d’aide, des partenaires culturels à la peine et des pouvoirs publics qui regardent ailleurs.  

Le mensuel satirique Le Ravi, dont le traitement de l’information singulier fait la joie de ses lecteurs, est en permanence sur la corde raide, équilibre économique précaire, mais progressant sans cesse, l’association atteint aujourd’hui 70% d’autofinancement. L’association qui porte le mensuel, propose en effet3 des conférences, débats et ateliers de sensibilisation à la presse, auprès des citoyens et des scolaires. En cette époque de prolifération des fake news, c’est une activité essentielle, salvatrice, que les pouvoirs publics locaux ont décidé de ne financer que de manière symbolique. Baisse des subventions directes, baisse des aides à l’éducation aux médias, inégalité d’accès à l’information (le Ravi doit en effet, régulièrement saisir la CADA pour accéder à certaines données plus aisément accessibles à d’autres médias), il semblerait que tout soit fait du côté des collectivités territoriales pour faire taire le mensuel régional « qui ne baisse jamais les bras ».  

La volonté de créer et de faire vivre des médias est pourtant forte, et notre paysage en témoigne. La passion et la persévérance de l’équipe fondatrice ainsi que la qualité des publications de Marsactu permettent aujourd’hui à ce “pure player” (media internet uniquement) d’être adossé à Mediapart, et à une société des lecteurs, actionnaire via un statut d’entreprise solidaire de presse d’information (ESPI), dans une équilibre économique viable, mais fragile. Marsactu appelait déjà4 les Collectivités territoriales à publier de manière transparente les motivations et le montant des subventions, directes et indirectes, accordées aux médias locaux le 17 novembre 2021. Nous ne pouvons que soutenir cet appel, en appelant à une juste répartition entre les acteurs, Gomet, Maritima, MadeinMarseille, mais aussi bien sûr, la Marseillaise. Notre région est riche de la pluralité de sa presse, il est nécessaire que cette pluralité soit maintenue et soutenue par les pouvoirs publics, sur des critères objectifs et en toute transparence, loin de la forme d’arbitraire qui règne aujourd’hui en la matière 

Il est nécessaire aujourd’hui de mettre en œuvre un grand plan de soutien à la filière, avec une meilleure répartition des subventions entre ceux qui sont déjà l’objet de la concentration des médias, adossés à des grands groupes et des milliardaires, et les médias autonomes et indépendants. C’est la garantie d’une expression démocratique libre et plurielle. 
Le récent rapport de la mission d’enquête sur la concentration des médias nous le rappelle et appelle à des actes forts. (Les propositions du Groupe Écologistes Solidarités et Territoires à la commission d’enquête sont accessibles sur demande) 

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