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Explication de vote : Conclusion de la CMP immigration et intégration

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au bout du cheminement constitutionnel – ou peut-être anticonstitutionnel, nous verrons bien ! – de ce texte. Ne lui reste plus qu’à passer à l’Assemblée nationale tout à l’heure.

À tout seigneur tout honneur : ce texte est une victoire de la majorité sénatoriale, qui a fait plier le Gouvernement et a fait adopter son texte dans les grandes lignes.

Cela marque l’officialisation de son intégration définitive à la majorité gouvernementale. LR et LREM sont des alliés non de circonstance, mais de fait. D’ailleurs, depuis le vote du RDPI en faveur du texte du Sénat, tout était dit.

Ce texte d’affichage est regrettable et dangereux. Nombre de ses mesures sont totalement étrangères au texte initial et tout l’aspect d’intégration a été sacrifié pour une victoire politicienne à la Pyrrhus.

Ce texte a échappé à ses auteurs, et ce depuis le mois de février dernier, monsieur le ministre de l’intérieur, quand notre commission des lois a pu l’étudier.

C’est bien un texte dicté par la majorité sénatoriale qui est sorti des discussions de la commission mixte paritaire. Je dis « discussions », mais les méthodes employées lors de cette réunion n’avaient rien de digne : suspension immédiate, suspensions répétées, réunions de couloirs, réunions avec l’exécutif, à Matignon, à l’Élysée, temps plus que restreint entre la conclusion de la commission mixte paritaire et la discussion de son texte dans notre assemblée – comme au bon vieux temps, oserais-je dire, des textes d’urgence sanitaire…

Surtout, nous sommes arrivés au bout de la logique présidentielle du « quoi qu’il en coûte » avec ce texte, tellement éloigné des premières annonces – mais il fallait bien un texte, puisque telle était l’incantation du Président de la République.

« L’enjeu est trop important pour la Nation pour faire de la politique politicienne », a dit le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à propos de ce projet de loi.

« Je suis favorable à ce qu’un compromis intelligent soit trouvé au service de l’intérêt général », a dit, vendredi dernier, le président Macron.

Quotas d’immigration, délit de solidarité, préférence nationale pour les allocations familiales, délit de séjour irrégulier, majoration des frais d’inscription universitaire et caution pour les étudiants étrangers qui ne sont pas originaires de l’Union européenne, restriction de l’accès à la nationalité par le droit du sol, limitation du regroupement familial… Le Gouvernement clame un équilibre avec d’autres mesures. Lesquelles ?

« La victoire idéologique du Rassemblement national est de plus en plus forte chaque jour » : c’est par ces mots que Jordan Bardella a qualifié les résultats des tractations de la commission mixte paritaire.

Notre groupe le constate et le déplore.

Ce texte est un pas de trop. C’est aussi celui qui a le plus de conséquences humaines et politiques. Ce n’est pas la peine de se cacher derrière des mesures dites « gentilles » !

L’aggravation des peines pour les marchands de sommeil ? Quel étranger prendra le risque de dénoncer le racket qu’il subit s’il risque l’expulsion ?

La mesure d’interdiction des mineurs dans les centres de rétention administrative ? Une demande répétée de notre groupe et d’autres, à la suite d’une dizaine de condamnations de notre pays par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) !

Plus qu’une avancée à saluer, c’est un retour trop tardif à l’État de droit normal.

Quant à la mesure d’équilibre phare, la régularisation de droit pour les travailleurs des métiers en tension, elle n’existe plus. Elle a vite été oubliée, à l’instar du ministre du travail, Olivier Dussopt, disparu au champ d’honneur de cette loi. (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)

Cette régularisation de droit est la pièce manquante de l’intégration prônée dans le titre de ce texte : comment ne pas vouloir permettre à des personnes qui travaillent et veulent s’intégrer de s’extirper de la peur permanente du contrôle, de l’éloignement, d’un nouvel exode ? Personne ne peut être complètement intégré, même après des années, s’il est en proie à cette peur permanente ! Intégrer par le travail, c’est aussi régulariser par le travail !

Et que dire du discours culpabilisant qui réclame un texte et un vote pour obtenir les moyens de protéger les Français ? Outre son aspect nauséabond, assimilant l’immigration à un danger dont il faudrait protéger les Français, c’est une fable ! Rien – je dis bien « rien » ! – dans ce texte ne permet d’améliorer les OQTF, auquel le Gouvernement est si attaché, annonçant vouloir parvenir à 100 % d’exécution. Aucune diminution des droits et des protections ne garantit l’exécution d’une mesure d’éloignement. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez !

Cette hypocrisie cache mal votre vision de l’immigration : une vision selon laquelle l’étranger est dangereux, calculateur et profiteur.

La politisation outrancière de la question migratoire est un piège qui ne profite à personne ; sinon, à qui ?

Cette collusion entre le Gouvernement et la droite pour reprendre des idées et des slogans de la droite extrême et de l’extrême droite est inédite et indigne. « Nous sommes les seuls à avoir pu imposer ce texte », a déclaré Éric Ciotti. Dont acte !

Notre groupe dénonce tant les méthodes employées que le fond de ce texte.

Nous voterons donc contre le projet de loi, avec force et conviction, et nous appelons l’ensemble des parlementaires du centre et de la droite à peser la réalité du texte final qui nous est proposé, avec leurs convictions intimes et leur engagement politique, comme commencent à le faire de nombreux députés de ces partis et de nombreux ministres.

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