Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le parcours de nos enfants au sein de l’éducation nationale est parfois bien chaotique : bâtiments délabrés, recrutements en berne, promesses non tenues de placer un professeur en face de chaque élève ou encore déséquilibre grandissant entre le public et le privé.
L’un des sujets sur lesquels le système est de plus en plus défaillant est celui de la médecine scolaire. Les difficultés sont d’abord celles qui touchent la médecine : la raréfaction des médecins pèse aussi, cela a été dit et répété, sur l’organisation de la médecine scolaire. Notre rapporteur rappelait que 45 % des postes étaient vacants à la fin de l’année 2022, avec des disparités impressionnantes, puisque dans l’académie de Créteil, par exemple, ce taux a atteint 79 %.
Ce manque de soignants est aussi le reflet du défaut de reconnaissance dont souffre cette profession, à l’instar d’ailleurs de toutes les professions médicales préventives. C’est également le cas dans la médecine du travail, d’ailleurs.
C’est dans ce contexte qu’est débattue cette proposition de loi tendant à transférer la compétence « médecine scolaire » aux départements, qui sont déjà compétents en matière de protection maternelle et infantile. Les moyens entre la PMI et la médecine scolaire pourraient donc être mutualisés.
Une chose est sûre, les visites prévues en particulier à l’entrée de l’école et au collège sont nécessaires pour détecter des problèmes aussi sensibles que les troubles psychiatriques, les situations de violences intrafamiliales ou encore le harcèlement.
Ces trois visites obligatoires sont essentielles pour la prise en charge précoce et parfois simple de troubles de l’apprentissage. Or, selon la direction générale de l’enseignement scolaire, moins de 20 % des élèves bénéficient de la visite obligatoire de la sixième année.
Sur les 80 départements pour lesquels les données ont permis de calculer un taux de visite en 2013, quelque 51 voient leur performance se dégrader en 2018-2019. Pis, huit enfants sur dix n’ont jamais vu un médecin scolaire, selon le rapport présenté mi-mai par le député Robin Reda à l’Assemblée nationale.
La situation est d’autant plus préoccupante que la médecine scolaire constitue parfois l’unique voie d’entrée de certains enfants dans un parcours de prévention, de prise en charge ou de soins adaptés.
Ce manque de mise en œuvre des missions de la médecine scolaire est dû aussi, nous le savons, à un dysfonctionnement majeur dont l’administration française a parfois le secret : le pilotage en cascade de la santé scolaire, avec une chaîne hiérarchique distincte de la chaîne fonctionnelle crée une grave hétérogénéité dans une répartition par département.
C’est dans ce contexte que nous étudions cette proposition d’expérimentation. Si le GEST et les écologistes ont toujours soutenu des gouvernances plus déconcentrées et une différenciation importante au sein de nos territoires, plusieurs points soulèvent des questions.
Le premier a trait aux moyens transférés par l’État pour exercer lesdites compétences. Nous avons souvent constaté que les transferts de moyens associés à une compétence ne sont pas toujours adaptés. Surtout, que se passe-t-il si les règles changent ?
Imaginons qu’elles imposent, après le transfert aux départements, de nouvelles consultations ou des missions supplémentaires. Ce ne serait pas la première fois que l’État transfère une compétence à coût compensé pour ensuite modifier son champ sans compensation.
Cette question financière peut aussi être source d’une possible rupture d’égalité majeure entre des territoires aux ressources différentes.
Certaines collectivités ont pu toutefois, au travers de cette action de médecine scolaire, mieux appréhender les déterminants de la santé et envisager de manière plus structurée la territorialisation des politiques de santé. C’est ce que m’a rapporté, par exemple, ma collègue Anne Souyris, après l’avoir constaté à Paris. Le sujet est donc complexe, et notre groupe sera particulièrement attentif aux explications de Mme la ministre.
Nous voterons vraisemblablement ce texte, en veillant à ce que, pour une fois, l’évaluation de l’expérimentation soit menée intégralement avant une possible généralisation, qui ne pourra se faire sans l’accord des départements.
Enfin, si à la fin de l’expérimentation une généralisation est décidée pour les départements participants, il faudra laisser la main aux autres, pour qu’ils demandent ou non ce transfert