J’ai pris part, au nom de mon groupe et en tant que VP de la commission des lois à la Mission d’information sur la Question Migratoire, qui s’est achevé par une conférence interparlementaire sur les défis migratoires au niveau européen

Rapport d’information, fait au nom de la commission des lois n° 626 (2021-2022) – 10 mai 2022

Communiqué de Guy Benarroche

Question migratoire, risque migratoire, crise migratoire, autant d’expressions relativement floues mais qui sous-tendent une vision particulière des migrations. Une vision qui envisage le phénomène comme une réalité ponctuelle, contextuelle, à traiter au cas par cas, au gré des crises. 
Nous pensons au contraire que les migrations sont consubstantielles à l’histoire de l’Humanité, Amérique du nord, du sud, et surtout l’Europe, des continents dont l’histoire nous rappelle qu’ils se sont construit grâce aux migrations à travers le temps. La migration est choisie ou subie, et quand elle est subie les causes sont et ont toujours été les mêmes, famine, misère, persécutions, guerres… Le contexte actuel ne nous laisse pas présager d’une diminution de ces évènements, au contraire le dérèglement climatique multiplie les phénomènes extrêmes de sécheresse et de catastrophes naturelles. Des régimes autoritaires ou dictatoriaux à la tête d’immenses pays, une économie mondialisée provoquant des crises systémiques., lLa guerre en Ukraine annonce des famines dans les pays dépendant des céréales Russes ou Ukrainiennes. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, autant de drames humains qui vont se multiplier sous le coup des pénuries d’eau, ou au contraire des inondations et de la submersion des littoraux. 

La Mission d’information sur la Question Migratoire à laquelle j’ai participé au nom de mon groupe GEST a auditionné les acteurs étatiques ou associatifs, et interrogé la politique migratoire sous un angle technique et un prisme franco centré : législation, règlements et procédures. Elle s’est donc attachée à identifier les problèmes et à proposer des solutions concernant la prise en charge administrative de la migration.  
Il en ressort que les politiques déployées depuis des années au gré de décisions politiques démagogiques et à courte vue, sont devenues un empilement de règlements et de procédures visant à dissuader les ressortissants étrangers de venir et de s’établir en France. Un ensemble incohérent qui pousse des personnes en grande détresse à s’installer dans des bidonvilles, dont la Police les chasse au gré de décisions peu compréhensibles voir juridiquement infondées, sans possibilité de faire valoir leur droit les plus élémentaires. La France, pays des Droits de l’Homme et du Citoyen n’en sort pas grandie.  
Nous sommes arrivés à un stade où cet empilement devient même incompréhensible pour les agents en charge de faire appliquer ces procédures, rendant souvent la tâche complexe pour les juridictions administratives qui sont surchargées de contentieux relatifs à ces procédures. Ces règles parfois kafkaïennes, sont encore plus incompréhensibles pour des personnes parfois en grande détresse, ne parlant souvent pas la langue et ne disposant pas des moyens pour faire respecter leurs droits.  
Nos visites en zones d’attente (ZA) et en centres de rétention administrative (CRA) nous ont permis de comprendre l’inanité des procédures et la perte de sens que vivent les agents des services de l’Etat. Pourquoi bloquer ou refouler une personne quand on sait que 100% des migrants venant de pays de la zone Schengen entreront finalement à la 2 ou 3e tentative ? ou que seuls 5% des obligations de quitter le territoire (OQTF) seront effectivement appliquées ?  

Il apparait très clairement que la question des migrations ne peut être envisagée que sous le prisme européen. Or, l’Espace Schengen est actuellement régi par le règlement de Dublin, dont la 3e version en vigueur date de 2013, 2 ans avant l’afflux de réfugiés provoqué par la guerre en Syrie. Il consiste à renvoyer les migrants dans le pays primo accueillant. Il est inadapté et inefficace. Or la crise actuelle en Ukraine, ce ne sont évidemment pas les pays du nord de l’Europe qui sont concernés, mais quasi exclusivement les pays du bassin méditerranéen. La méditerranée, creuset de la civilisation, zone de convergences, Mare Nostrum, zone d’échanges culturels économiques et zones de rencontres et de création, ne peut devenir une frontière fermée. Elle peut et doit jouer un rôle de frontière, car la frontière est un lieu où le Droit s’applique, et être une frontière lui permettra de pas devenir un mur, voir un cimetière. 
Face à ces situations il nous faut faire preuve, à l’instar de nos voisins allemands, de pragmatisme humanitaire. Le cadre général de notre politique n’a pas être empreint de charité, il doit être humain et juridique. Les recommandations du rapport sont à droit constant or c’est le droit qu’il faut faire évoluer, de préférence dans un cadre européen. Ces femmes et ces hommes, quel que soit leur pays d’origine ont des droits, fixés par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par la convention de Genève de 1951, entre autres, qui doivent s’appliquer pleinement. Le refoulement ou le chantage aux visas sont des pratiques indignes, mais au-delà, elles sont illégales au regard du droit international.  
Malheureusement, le Pacte Asile immigration actuellement préparé par la Commission Européenne pour remplacer le règlement Dublin semble se focaliser sur les procédures de rétention et de retour des migrants et des réfugiés. C’est un contre-sens historique. Le régime de protection temporaire mis en place en urgence pour faire face au drame ukrainien fonctionne bien, nous avons pu l’observer en Pologne lors de la visite de Frontex, , il fonctionne tellement bien que certains pays se demandent s’ils ne vont pas en faire leur procédure générale pourquoi pas la France ?. Une personne en situation de migration n’est pas a priori un malfrat ou un terroriste, c’est un être humain qui aspire à travailler, prospérer, envoyer ses enfants à l’école, s’intégrer, pour un temps, ou pour longtemps. Et que ce soit pour un titre de séjour ou une demande d’asile, elle doit pouvoir exercer ses droits, de manière simple, clair et efficace, en toute circonstances et dans n’importe quel pays européen. Cette autorisation temporaire leur permet de chercher un travail ou de scolariser leurs enfants tout de suite, en attendant que l’administration examine leur dossier afin de régulariser au mieux leur situation. 
L’Europe doit tirer des enseignements des crises de ces dernières années, et agir en concertation avec tous les acteurs pour prévenir les suivantes. Augmenter les moyens de Frontex ne peut en aucun suffire, c’est la mission même de cet organisme qu’il faut redéfinir, et pour cela il faut lui donner un cadre juridique clair et harmonisé. 

L’Europe, et la France en son sein, ne doivent plus penser la migration comme un phénomène temporaire et dangereux résultant de crises conjoncturelles, mais comme une constante de l’histoire de l’humanité, intrinsèque à la civilisation. L’Union Européenne doit donc se doter d’un cadre juridique commun plus simple et des outils nécessaires, permettant de gérer et de fluidifier ces migrations, sans jamais oublier que ces flux sont composés de femmes, d’enfants et d’hommes de tous âges et de toutes conditions. 

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