Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le crime ne paie pas, ou en tout cas ne devrait pas payer. Le constat est simple d’ailleurs : les délinquants, quels qu’ils soient – délinquance en col blanc, financière, liée au narcotrafic ou autre –, détestent être frappés au portefeuille.
« Pour être véritablement dissuasive, toute sanction pénale doit pouvoir s’accompagner de la privation des délinquants des profits qu’ils ont pu tirer de l’infraction. » C’est par ces mots que le député Warsmann a introduit l’exposé des motifs de la proposition de loi qui allait permettre la création de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.
La confiscation est une peine complémentaire de plein droit pour les infractions punies d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse, et peut porter sur l’ensemble des biens ayant un lien avec un crime ou un délit, qu’ils aient servi à commettre l’infraction ou qu’ils en soient le produit direct ou indirect.
Alors qu’une commission d’enquête sénatoriale travaille actuellement sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, il est à noter que cette proposition de loi fait suite à un rapport consacré à la lutte contre les trafiquants de drogue de 2004.
Nous nous retrouvons donc à légiférer sur ce sujet important sans attendre les conclusions des travaux de la commission d’enquête, ce qui est plus que dommage à moins d’un mois de la remise de ses recommandations.
Pour autant, les enjeux de cette proposition de loi et les pistes proposées nous paraissent très intéressants.
Mme la rapporteure nous le rappelait : les avoirs criminels ne sont pas systématiquement identifiés. De plus, environ 30 % seulement des biens saisis finissent par être effectivement confisqués par une juridiction de jugement.
Néanmoins, en France, la saisie d’avoirs criminels est en forte progression : en 2011, 109 millions d’euros étaient saisis, contre 771 millions d’euros – dont 27 millions à Marseille – dix ans plus tard, en 2022, soit sept fois plus.
L’Agrasc est un succès, il faut s’en féliciter et remercier l’ensemble de ses agents pour leur travail, qui redonne aux yeux des victimes du sens à la sanction.
Des marges réelles de progression existent quand on sait que l’Office anti-stupéfiants (Ofast) estime a minima à plus de 3 milliards d’euros – on est peut-être plus proche des 5 ou 6 milliards d’euros – le chiffre d’affaires annuel du trafic de drogues en France.
L’Agrasc peut ainsi procéder à la saisie, mais aussi à la vente des biens, ce qui a un effet important. « On vend le bling-bling des voyous », comme l’indiquait Audrey Jouaneton, magistrat coordonnateur des antennes de Marseille et Lyon pour l’Agrasc, à La Provence. « L’argent bien mal acquis […] va enrichir l’État. C’est un juste retour des choses. »
À Marseille, il y a un an, une maison ayant appartenu à des narcotrafiquants définitivement condamnés a fait partie des premiers biens immobiliers saisis par la justice en France et a été confiée à une œuvre sociale.
Nous saluons donc les apports de la proposition de loi.
Le texte permet également d’ajouter les collectivités territoriales à la liste des personnes morales pouvant se voir confier les biens confisqués.
De même, nous saluons la disposition introduite en commission, qui étend la liste des bénéficiaires de ces biens aux services d’enquête, aux services judiciaires, à l’Office français de la biodiversité (OFB) ou à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC).
Je me suis déjà opposé ici même à des mesures qui, sous couvert de pragmatisme et de rapidité, revenaient dans les faits à priver les justiciables de leur droit de contestation. J’adhère donc volontiers à la solution proposée à l’article 1er,car elle vise à répondre concrètement aux difficultés d’audiencement devant la chambre de l’instruction.
La contestation des décisions de saisie représente actuellement 40 % du contentieux dans certaines chambres de l’instruction. L’article 1er permet ainsi d’alléger le contentieux tout en autorisant les contestations auprès du premier président de la cour d’appel.
Dans cette même veine, nous accueillons favorablement les précisions apportées en commission à l’article 3 afin de simplifier les procédures qui enrayent parfois la machine sans pour autant obérer les droits du justiciable.
Notre groupe fera des propositions sur ce texte. L’une, en particulier, qui a été travaillée avec Transparency International, porte sur l’extension du champ d’application du texte à l’entourage familial des agents publics étrangers afin de cibler au mieux la problématique des biens mal acquis.
En plus de ces propositions, nous nous associerons aux améliorations, en particulier celles qui concernent les modalités d’attribution des biens confisqués.
Chers collègues, ce texte est une avancée qu’il nous plaît de saluer dans cet hémicycle : au-delà du tout prison, il consolide les autres moyens de sanctionner de manière efficace et différente. C’est pourquoi le groupe GEST le votera.