Orientation et programmation du ministère de l’intérieur : Adoption définitive des conclusions de la commission mixte paritaire

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour déterminer la trajectoire du ministère de l’intérieur et les moyens que nous souhaitons lui allouer.

Ce texte avait pour particularité de nous présenter, au travers du rapport annexé à l’article 1er, la vision gouvernementale de la sécurité et la tranquillité publiques pour les prochaines années.

Nos prises de parole et nos propositions nous ont permis de défendre le projet du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires pour la sécurité de notre pays, un projet cohérent. L’aspect le plus marquant de ce texte, c’est la continuité de la politique envisagée, plus répressive que protectrice. Or cet aspect, quoique essentiel, ne doit pas pour autant conduire à négliger l’importance du lien des forces de l’ordre avec les citoyens et la nécessaire confiance de tous envers celles-ci.

Cette dimension obère également un autre aspect essentiel : l’immense souffrance au travail de nos forces de l’ordre. Nous avons ainsi pu exposer l’objectif partagé d’une police bénéficiant de meilleures conditions de travail, d’une meilleure formation, de moyens financiers, humains, mobiliers et immobiliers satisfaisants, dans le but d’exercer correctement ses missions auprès de la population, avec la population et pour la population.

Oui, nous soutenons l’action de la police républicaine, en ce que celle-ci est au service de toute la population, non seulement des Français à l’aise avec le numérique, mais encore des 13 millions de Français qui souffrent d’illectronisme. L’accès égal pour tous au service public, y compris le service public de la police, doit prévaloir et l’accueil des citoyens par un agent formé, l’interaction humaine de manière générale, doit rester une option pérenne.

Nous sommes donc d’accord avec vous, monsieur le ministre, pour donner de meilleurs équipements aux forces de l’ordre, qui exercent clairement leurs fonctions dans des conditions matérielles souvent insuffisantes, voire indécentes. Toutefois, nous souhaitons vous mettre en garde, à la suite de notre collègue Thomas Dossus, contre l’idée d’un policier « augmenté ». Un policier dûment équipé, oui, mais un policier augmenté, à quel coût et dans quel but ?

Nous regrettons par ailleurs que ce texte n’ait pu permettre de discuter de la modification de la doctrine du maintien de l’ordre. Je pense en particulier à l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD), des drones, des lacrymos, de la technique de la nasse ou d’autres techniques d’interpellation que nous jugeons dangereuses.

Nous regrettons également que ce texte ne contienne aucune avancée sérieuse sur la réforme de l’inspection générale de la police nationale (IGPN). Le besoin de sécurité des citoyens exige aussi la transparence de l’action de la police : il faut mieux gérer les dérives violentes, donner une nouvelle dimension à l’IGPN, mais il faut également accroître la transparence sur les données de la police, leur publication et leur transmission, notamment aux élus locaux.

Une telle réforme nous paraît bien plus nécessaire, plus attendue de nos concitoyens, que la prétendue réforme de la police judiciaire. Se rappeler que le citoyen est au cœur de tout, telle a été, en permanence, notre boussole.

Nous regrettons en outre que, malgré le soutien exprimé par le Gouvernement dans cet hémicycle, la commission mixte paritaire n’ait retenu aucune des propositions de généralisation de certains mécanismes ayant fait leurs preuves, comme les agents de liaison LGBT+ ou les formations au cyberharcèlement.

Nous regrettons enfin que nos propositions d’amélioration des droits de la défense, alimentées par les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), du Syndicat de la magistrature ou des avocats, n’aient pas toujours trouvé une oreille attentive ; je pense par exemple à l’interdiction de la reconnaissance faciale.

Nos inquiétudes sur les droits des justiciables n’ont pas été dissipées par nos discussions relatives à l’amende forfaitaire, un outil certes utile, d’un point de vue comptable ou cyniquement mathématique, mais dont l’efficacité pour la réponse pénale n’est que peu étudiée. L’opportunité de poursuivre, qui appartient d’habitude au juge, est à nouveau niée. L’application de ce dispositif à des infractions commises autour des stades semble constituer une réponse inadaptée aux difficultés de gestion subies lors des événements du Stade de France, par exemple.

Enfin – n’y voyez aucun reproche à destination de nos forces de l’ordre –, l’utilisation de ce mécanisme semble très, très variable selon les territoires…

Cette mise à l’écart du monde judiciaire, sans réelle réflexion sur le continuum police-justice, nous semble être une erreur. Penser la police sans la justice, c’est une erreur, de même que penser la sécurité sans les acteurs du cœur des territoires.

Nous sommes d’accord avec vous pour reconnaître la nécessité d’augmenter les moyens des forces de l’ordre, mais nous sommes en désaccord profond sur la façon de les employer au mieux. Nous avons soutenu l’augmentation du budget prévue à l’article 2, mais nous aurions aimé être mieux entendus lorsque nous avons proposé d’améliorer les conditions de travail des forces de l’ordre et leurs relations avec les usagers.

En effet, notre groupe a promu plus d’avancées sur les conditions de travail des forces de l’ordre ; je pense à l’accompagnement des agents par des psychologues ou à la sanctuarisation des formations au tir.

Le besoin de sécurité des citoyens porte aussi sur leur environnement : c’est pourquoi nous avons de nouveau proposé des pistes pour le développement d’une réelle police environnementale. Comme Jacques Fernique l’a souligné, les gardes champêtres exerçant au sein de la brigade verte devraient être clairement distingués des autres services de police.

Le besoin de sécurité des citoyens à l’échelon local concerne aussi la gestion du risque d’incendie, amplifié par l’inaction climatique du Gouvernement. Nous remercions les membres de la commission mixte paritaire d’avoir conservé la proposition de notre collègue Monique de Marco sur les besoins d’une deuxième base de Canadair.

Nous aurions aimé pouvoir discuter d’autres mesures ou de visions tout aussi importantes, comme la gestion des frontières.

Mes collègues et moi avons rappelé à maintes reprises combien les forces de l’ordre étaient au cœur de notre pacte républicain ; ce sont elles qui endossent le rôle de protection de notre population et qui doivent assurer la tranquillité publique.

Les craintes que nous avions exprimées au début de l’examen de ce texte ont malheureusement été confirmées et les modifications apportées par la majorité sénatoriale n’ont fait que les amplifier. L’orientation du ministère de l’intérieur proposée par la commission mixte paritaire ne nous paraît ni convaincante ni justifiée ; nous ne pouvons donc pas nous y associer et nous voterons contre ce projet de loi.

Lire le communiqué du groupe Écologistes Solidarité et Territoires

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