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Conclusions de la CMP : Diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne

Nous voici donc pour ouvrir le bal des CMP (commission mixte paritaire) négociés entre Les Républicains et le Gouvernement, à notre grand regret, et qui résulte  « d’une négociation hémiplégique » avec les seuls LR et constitue un danger mortel d’après le  président de la commission des lois de l’Assemblée Nationale M. Sasha Houlié.

En effet le texte issu de la commission mixte paritaire (CMP) ressemble furieusement à celui du sénat.

Sur le fond de ce texte, notre groupe a déjà pu rappeler son analyse :

Si clairement notre droit nécessite une adaptation afin de permettre l’application du Règlement sur la prévention de diffusion à caractère terroriste, nous regrettons tout d’abord la forme de cette adaptation.

Le gouvernement de manière aussi habile que cynique a choisi de faire déposer une proposition de loi (PPL) au lieu de présenter lui-même un projet de loi (PJL) qui aurait permis un avis du Conseil d’État et une étude d’impact d’autant plus importants au vu de la censure historique du conseil constitutionnel dont a fait l’objet la loi dite « loi Avia ».

Nous regrettons ces tours de passe-passe qui entachent la sincérité du processus démocratique.

Pour autant le sujet des contenus terroristes mérite une réponse à la fois pratique, forte et efficace.

Nous ne le savons que trop : la haine prolifère en ligne et nous devons nous doter d’un arsenal le plus efficace possible pour limiter cette propagande terroriste, ces méthodes de recrutement ayant pour but de nuire à notre pays, à notre République.

Le terrorisme tue, et Internet demeure le terreau fertile permettant à la fois la diffusion de certaines idéologies macabres, le recrutement et le financement des terroristes.

Il est essentiel de se doter d’outils de droit freinant cette utilisation d’Internet.

Le Règlement européen qu’il nous était demandé de faciliter par l’adaptation de notre droit est le fruit d’une réflexion sereine, applicable depuis le 7 juin, et distingue de manière sensée la diffusion de certains de ces contenus à des fins journalistiques, pédagogiques, artistiques.

Plus restreint et plus équilibré dans la définition des contenus nécessitant d’être retirés que ceux de la loi Avia, garantissant la possibilité de maintenir des contenus dans le cadre du débat public par exemple, il constitue un outil majeur et nécessaire pour notre législation.

Mais le texte aujourd’hui présenté contient des limites certaines.

Tout d’abord, ce choix de PPL comme dit de manière liminaire, ne semble pas le plus sécurisant sur l’évaluation des conséquences notamment sur les libertés publiques et individuelles.

La censure du texte dit ‘loi AVIA’  rappelait que la détermination du caractère illicite des contenus à caractère terroriste ne devait pas être soumise à la seule appréciation de l’administration. Cette absence du juge judiciaire nous paraît préjudiciable pour l’équilibre de notre société et pour l’exercice des libertés publiques relevant du judiciaire.

Le choix de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) aussi , désignée depuis la loi sur le séparatisme comme l’opérateur pour traiter la haine en ligne, démontre une cohérence mais suscite de nombreuses interrogations.

Comme ont pu le rappeler plusieurs fois mes collègues Thomas Dossus et Monique de Marco dans leurs travaux de la commission culture, l’ARCOM se voit confier de plus en plus de responsabilités mais les moyens humains et financiers suivent-ils ?

J’ai pu rappeler avoir bien entendu que nous entrions dans un quinquennat sans hausse d’impôt, ni accroissement de dette, aussi je suis impatient de voir comment à fonds constant le gouvernement va faire pour doter l’ARCOM des moyens nécessaires pour mener à bien cette nouvelle mission (en nombre d’agents, mais aussi dans la formation adaptée nécessaire).

Si j’insiste sur ce point c’est que je le rappelle le drame de Samuel PATY a démontré que le circuit de signalement existe, fonctionne bien, mais que le manque de personnel engendre des délais de traitement qui ont eu la funeste conséquence que nous connaissons tous.

Reste 3 autres points majeurs

D’abord, L’urgence du délai d’une heure représente pour de nombreuses associations de protection des libertés un risque.

Notre groupe souhaite relayer les nombreuses inquiétudes mis en avant par la Quadrature du net, de nombreuses ONG craignent de voir la mise en place des ‘filtres de téléchargement’ qui permettraient à  l’hébergeur d’interdire à un utilisateur de poster du contenu, mais aussi les erreurs techniques inhérentes à des procédures automatisées dans la sélection des contenus à supprimer.

Ensuite, la subjectivité des éditeurs ou hébergeurs dans l’évaluation du contenu. Point essentiel au vu des démarches à géométrie variable que peuvent avoir les opérateurs privés selon le sujet qu’ils pensent devoir être retirés. L’exemple récent de la différence de traitement par Facebook de contenu tous les deux illégaux (un post sur la pilule abortive censurée en une minute vs un post sur les armes à feu intouché) doit nous interroger.

Cette différence dans l’appréciation par les opérateurs privés pourrait aussi bien se retrouver dans l’appréciation par les autorités compétentes équivalentes à l’ARCOM.

Il n’est fait offense à aucun de nos voisins européens de percevoir les nuances dans l’indépendance de telles agences administratives, ni de point de vue non partagé sur ce qui constitue un terroriste.

Oui l’aspect transfrontalier des demandes de retrait est un sujet majeur, à ce jour seul 9 pays sur 17 ont procédé à la mise en œuvre du Règlement.

Au vu de la montée de régimes aux valeurs parfois très éloignées de celles de notre pays au sein même de l’Union Européenne, le Règlement pour lequel nous adaptons notre droit aujourd’hui, permet des demandes transfrontalières de retrait de contenus qui pourraient être litigieuses.

Comment, sans contrôle d’un juge judiciaire, garantir la liberté d’expression sur notre territoire face à des gouvernements parfois totalitaires caractérisant de manière caricaturale leurs opposants comme des terroristes ?

Certes la procédure prévoit un droit de regard de l’autorité nationale du pays sollicité mais la coopération entre pays, et la réciprocité de leurs actions pourraient poser problème.

Ces inquiétudes chers collègues sont réelles et à nos yeux ne sont pas assez prises en compte par les dispositions adoptées par la commission mixte paritaire.

Notre groupe aurait préféré un meilleur équilibre entre une lutte juste, ferme et efficace contre la dissémination de contenus terroristes sur Internet et la protection de la liberté d’expression.

 Cette protection nous semble constitutionnellement revenir au juge judiciaire hélas écarté dans les dispositifs étudiés.

Aussi, toutes ces réserves nous empêchent de soutenir pleinement la démarche de la loi présentée.

Mais le groupe écologiste – solidarité & territoires (GEST), en responsabilité et bien conscient de la nécessité du besoin d’agir rapidement contre l’expansion du terrorisme via la lutte contre les contenus Internet, ne s’opposera pas à cette loi présentée.

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