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Projet de loi JO2024 : explication de vote

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les semaines, les mois passent, sans que jamais retombe l’envolée sécuritaire de ce gouvernement.

L’examen en séance du texte a mis au jour les réelles motivations derrière ce véhicule législatif, dont le but n’est pas tant l’adaptation de certaines de nos règles pour un déroulement serein des épreuves des jeux Olympiques que, essentiellement, la mise en œuvre de nouveaux outils sécuritaires confirmant la dérive de ce gouvernement vers une société de surveillance.

Notre groupe, par la voix, notamment, de mon collègue Thomas Dossus, s’est interrogé avec cohérence et sincérité : quel est le cœur de ce projet de loi ?

S’agit-il d’une mise en concordance du droit de la santé pour la lutte contre le dopage ? S’agit-il d’une réécriture du code de l’urbanisme pour le développement futur du sport dans nos territoires, et ce dès les Jeux ?

Non, il n’en est rien.

Nous aurions pu être à vos côtés, madame la ministre, pour soutenir les fédérations et le sport, amateur comme professionnel, qui voient dans les JO l’occasion d’accélérer la pratique sportive dans toute sa diversité.

Nous aurions aussi aimé débattre sérieusement de l’impact de cet événement sur notre tissu de festivals et de manifestations culturelles, des surcoûts et des difficultés pour les organisateurs ou les collectivités, de l’utilisation culturelle, sportive, environnementale de l’exposition offerte à notre Nation par cette vitrine ouverte sur le monde.

En fait de vitrine, nous aurons plutôt une France sous cloche, comme le craint ma collègue Monique de Marco. Les autres activités continueront pendant ces Jeux et la sécurisation des autres manifestations souffrira de risques liés à la précipitation et aux formations insuffisantes, ainsi que d’un surcoût pour les organisateurs.

Qu’il est étrange ce texte centré sur les jeux Olympiques et Paralympiques, mais qui compte plus de 80 % de mesures pérennes ! En effet, l’un des aspects les plus remarquables des articles votés, c’est la mise en œuvre sur un temps long de mesures censées n’être nécessaires que pour le bon déroulement des Jeux.

Ce texte va en effet bien plus loin que l’organisation des Jeux. Qu’en est-il donc de ce cheval de Troie sécuritaire ?

Notre groupe regrette une nouvelle fois une vision débridée et si éloignée des valeurs de l’olympisme.

Le caractère disproportionné des mesures pour la sécurité cache de réelles atteintes aux droits des personnes, qui s’inscrivent bien au-delà de la période olympique.

J’ai évoqué cette vision sécuritaire. Le recours massif et presque indifférencié à la vidéosurveillance augmentée soulève de nombreuses questions : durée et finalité de cette expérimentation ; avenir des apprentissages de ces machines ; contrôle des mécanismes algorithmiques dangereux ; potentielle mise à disposition pour d’autres opérateurs non nationaux, plus ou moins respectueux des droits de leurs citoyens.

La Cnil, dans une analyse plus que prudente de ces technologies, précise que celles-ci sont susceptibles d’affecter les garanties fondamentales apportées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.

C’est bien une vision sécuritaire technologique qui se dévoile. Nous la jugeons d’autant plus néfaste et inefficace qu’elle ne tient pas compte des contraintes du terrain. Ainsi, le recrutement et la formation des agents de sécurité n’ont pas été anticipés. Nous allons manquer de personnels, publics et privés. Le recours à l’armée, madame la ministre, ne va pas tarder à être annoncé.

La Cour des comptes estime qu’il faudrait employer de 22 000 à 33 000 agents de sécurité privée par jour pour véritablement sécuriser l’ensemble des épreuves. Ces chiffres dépassent largement les capacités disponibles dans les entreprises de la région et du pays.

Les craintes de voir sur le terrain des gens peu formés faire face à des événements d’une telle ampleur laissent inévitablement ressurgir le spectre du fiasco du Stade de France. En même temps, il est difficile de retenir des leçons d’un événement que le Gouvernement a toujours considéré comme bien préparé et bien géré. Ce déni coupable ne doit pas occulter le besoin de questionner et de faire progresser les techniques du maintien de l’ordre et de la gestion des flux de population dans notre pays.

Au-delà des craintes que nous inspire la mise en place de mesures de sécurité disproportionnées, ce texte laisse planer le doute quant à une explosion des coûts comparable à celle de Londres.

Le Gouvernement ne souhaite pas s’attarder sur le triste héritage financier et budgétaire que pourraient laisser les jeux Olympiques et Paralympiques. Le dernier rapport de la Cour des comptes lance pourtant clairement l’alerte sur un budget qui n’est toujours pas précisément établi et connu. On nous dit que c’est pour bientôt…

Par ailleurs, rien ne rassure vraiment les collectivités hôtes d’événements sur les garanties financières que devrait leur apporter l’État.

Il est également regrettable que les collectivités qui se sont engagées pleinement dans le projet olympique soient mises de côté sur des sujets pratiques. Nous avions ainsi proposé qu’elles se voient confier l’exercice temporaire de pouvoirs de police de la circulation et du stationnement, ce qui permettrait de limiter l’impact environnemental des Jeux.

Ce dernier point avait d’ailleurs été annoncé comme étant le cheval de bataille de ce gouvernement, mais nous ne comptons plus les engagements pris en la matière depuis six ans par Emmanuel Macron et ses gouvernements qui n’ont pas été suivis d’effets. Ces enjeux sont pourtant vitaux.

Il y aura aussi un impact sur la qualité de vie des riverains des Jeux, qui ne sont même pas sûrs de pouvoir participer à cette fête, et qui devront subir l’invasion de la publicité dans un cadre anormalement dérogatoire aux règles de droit commun en vigueur.

Les entreprises partenaires sont ainsi autorisées à afficher leur communication sur les monuments historiques, les espaces naturels et à peu près tous les éléments qui leur conviennent dans un périmètre de 500 mètres autour de chaque site olympique. Certains de ces partenaires pourront faire feu de tout bois, alors qu’ils sont notoirement connus pour leurs activités néfastes à l’environnement et concourant au dérèglement climatique.

Dans ces conditions, aurons-nous vraiment des Jeux pour l’environnement ?

Ces affichages, qui participent d’une incitation à un consumérisme débridé, ont des conséquences environnementales que nous n’acceptons pas en temps normal. Alors que nous avons enfin réussi à limiter la pollution visuelle des panneaux lumineux, ces dérogations, prises au moment même où l’État incite à la sobriété énergétique, n’ont pas de sens. À croire que nous pouvons mettre tout cela entre parenthèses le temps des Jeux. Quelle hérésie !

Nous avons tenté, au travers de plusieurs amendements, de recentrer la loi sur ce qu’elle devrait être, l’encadrement des JO, et non pas sur ce qu’elle est devenue, une dérive sécuritaire pérenne au détriment des droits des citoyens.

Certaines positions ont été prises en compte par la commission et par le Gouvernement. Très peu ! Trop peu ! La plupart ne l’ont pas été et l’équilibre du texte n’a pas été modifié. Nous maintenons notre analyse d’un texte trop dangereux pour les libertés individuelles, dont les objectifs réels auraient nécessité une concertation et une confrontation sereine de visions différentes sur la sécurité globale de notre société, bref, sur notre modèle de société.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre ce projet de loi.

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